À Quimper, François Hollande avait annoncé qu’il créerait un ministère de la Mer en cas de victoire. LouisLePensec, qui fut le premier à occuper ce poste, approuve. D’autres sont plus dubitatifs.
Le sujet est sensible en Bretagne et les demandes répétitives en faveur de la création d’un ministère de la Mer. Lundi, à Quimper puis à Lorient, François Hollande a indiqué que son programme inclurait la création d’un tel ministère, sans toutefois entrer dans le détail.
«La France le vaut bien»
Louis Le Pensec connaît la question. Le Finistérien qui fut à plusieurs reprises ministre socialiste sous les gouvernements Mauroy, Rocard, Cresson, Bérégovoy et Jospin (seul Fabius manque à l’appel) fut le premier et, à ce jour, seul ministre de la Mer de plein exercice. «FrançoisMitterrand, dit-il, avait créé ce ministère, en 1981, comme une reconnaissance de la vocation maritime de la France et la réparation d’une erreur historique. J’avais compétence sur l’ensemble du domaine maritime (flotte de commerce, pêche, chantiers, recherche océanographique, ports ainsi que la sécurité en mer, partagée avec le ministre de la Défense) et j’étais directement rattaché au Premier ministre. Par la suite, la Mer fut confiée à des ministres délégués, rattachés à d’autres ministres ou à des secrétaires d’État, qui ne sont généralement invités au Conseil des ministres qu’une fois tous les trois mois et qui vont là où leur ministre de tutelle n’a pas envie d’aller. Ce n’est pas ma conception de ce poste. Un vrai ministère de la Mer, la France le vaut bien…».
«J’avais carte blanche»
C’est tellement peu sa conception qu’il préfère démissionner, en 1983, quand Mitterrand et Mauroy transforment ce ministère en simple secrétariat d’État pour reformater un gouvernement hypertrophié. «L’état de grâce de ce ministère n’a duré que deux ans mais j’ai eu le temps, indique Louis Le Pensec, de mener quelques grandes négociations. Mitterrand et Mauroy m’avaient donné carte blanche et j’ai négocié durement avec les Anglais pour l’Europe bleue ou à l’Onu sur les droits de la Mer et la zone économique exclusive (encore évoquée lors du procès Erika). Avec Chevènement, nous avons rapproché le CNEXO (Centre national pour l’exploitation des océans) et l’Institut des pêches qui ont été à la base de la création de l’Ifremer. Avec Lang, nous avons lancé la première politique du patrimoine maritime, j’ai fait approuver un indispensable rattrapage des pensions de la Marchande… Tout cela aurait été plus bien compliqué à réaliser s’il n’y avait pas eu un vrai ministère avec une réelle délégation de pouvoirs». Approuvant la proposition de François Hollande, il attend maintenant de connaître les contours d’un tel ministère (en cas de victoire, bien sûr) en notant que l’essentiel, «c’est d’avoir une grande ambition maritime pour la France».
Alain Cadec: «Risque de dilution»
Alain Cadec, député européen UMP, vice-président de la commission pêche, est plus réservé sur le sujet. «Un ministère de la Mer, c’est un sujet souvent évoqué entre nous. Bien sûr, il faut une ambition maritime mais je ne suis pas sûr, ajoute le Briochin, qu’on puisse regrouper toutes les compétences sous un seul chapeau. Les problématiques sont tellement différentes qu’il y a un risque de dilution dans un ministère fourre-tout. Je pense qu’il vaut mieux, par exemple, que les hydroliennes restent rattachées au ministère de l’Écologie, la pêche au ministère de l’Agriculture ou la Marchande aux Transports. Mais il faudrait un secrétariat d’État à la mer pour assurer la cohérence et la transversalité entre les ministères concernés. C’est, pour moi, la bonne solution».
André Le Berre: statu quo
André Le Berre, qui a récemment abandonné ses fonctions de président du comité régional des pêches, a longtemps porté la parole des pêcheurs dans les ministères. «À titre personnel et en dehors de toute considération politique, précise-t-il d’emblée, je ne suis pas très favorable à un grand ministère de la Mer qui regrouperait toutes les compétences. Les pêcheurs risqueraient d’être la troisième roue de la charrette. Je préfère que nous restions dans un ministère de l’Agriculture et de la Pêche, où nous sommes mieux entendus. Nous avons beaucoup de choses en commun avec les agriculteurs, nous tenons le même discours et, à Bruxelles, nous pouvons mieux discuter car les autres pays européens sont organisés comme nous». Et pour lui, pas question d’un secrétariat d’État rattaché à un ministère: «Ah ça, non!».