Chaque année, on estime que 10 000 conteneurs sont perdus accidentellement en mer. Ces boites représentent un danger pour la navigation, la pêche au chalut et l’environnement. Elles posent des problèmes pratiques pour leur repérage et récupération et entrainent un certain nombre de difficultés juridiques. Du point de vue du plaisancier, les questions qui se posent sont notamment :
– Que faire face à un conteneur en mer ?
– Peut-on s’approprier les biens qu’il contient (flottants ou échoués sur la côte) ?
– Contre qui se retourner en cas de dommage causé par le conteneur à la dérive ?
Toutes ces questions en impliquent une première en amont : quelle est la qualification juridique du conteneur tombé en mer ? En réalité, il n’a pas de statut juridique propre. On l’assimile donc à une « épave », telle que définie par l’article L 5142-1 du code des transports (issue de la loi n°61-1547 du 24 novembre 1961 et du décret n°61-1547du 26 décembre 1961 modifié, toujours en vigueur).
Plus précisément, on pourra considérer que le conteneur vide est une épave au sens d’ « engin maritime flottant » (assimilé à un débris du navire en quelque sorte), et que le conteneur plein est une épave au sens de « marchandise et cargaison trouvés en mer ». Il faut donc appliquer le régime des épaves maritimes pour répondre aux questions posées.
Ce régime impose à l’inventeur (celui qui découvre) de l’épave une obligation de mise en sûreté de l’épave. Face à un conteneur, il est évident que cette opération est impossible sans moyens adaptés et est trop dangereuse pour être réalisée par un navigateur. Dans ce cas, la loi prévoit que : « quand des dangers sont susceptibles d’être encourus à raison tant de l’épave elle-même que de son contenu » (Les conteneurs en pontée, qui tombent en mer, sont souvent chargés de marchandises dangereuses, toxiques et/ou nocives.), la personne qui la découvre doit s’abstenir de toute manipulation et la signaler immédiatement à l’administrateur des affaires maritimes, à son représentant ou toute autre autorité administrative locale (sous peine d’amende prévue pour les contraventions de 4e classe).
Concrètement, il faudra contacter le CROSS compétent de la zone de navigation. Ce dernier informera le préfet maritime, qui prendra ensuite les mesures nécessaires pour mettre fin au danger constitué par le conteneur, grâce aux informations qui auront pu être communiquées (position du conteneur, étiquetage, numéro, état extérieur…).
Si le conteneur a déversé son contenu, l’inventeur devra mettre les biens flottants en mer ou échoués sur la côte hors d’atteinte, « dans la mesure où cela est possible ». S’il a effectué cette opération, il aura alors le droit à une indemnisation, calculée en tenant compte : des frais exposés, de l’habilité déployée, du risque couru, de l’importance du matériel de sauvetage utilisé et de la valeur en l’état de l’épave sauvée.
S’il y a plusieurs sauveteurs, l’indemnité se partage d’après ces critères. Si un navire a participé au sauvetage, la répartition de la rémunération se fera entre l’armateur, le capitaine et l’équipage, en fonction des circonstances de faits. La rémunération devra être réclamée dans les deux ans de l’opération de sauvetage et sera due par le propriétaire s’il peut être identifié. Si ce dernier est inconnu, l’Etat procèdera à la vente de l’épave sauvée pour indemniser le sauveteur ou lui remettra en propriété les épaves de faible valeur dont la vente ne procurerait aucun produit net appréciable. Mais en aucun cas le sauveteur ne peut s’approprier de lui-même les biens trouvés. Ceux – ci appartiennent toujours à leur propriétaire, qui en a seulement perdu la possession ; Le propriétaire a d’ailleurs 3 mois pour en réclamer la restitution (après publication de la découverte ou notification à ce dernier s’il est connu), avant qu’une vente puisse avoir lieu.
Qu’en est – il enfin si la rencontre avec un conteneur se fait au prix d’une collision ? L’article L5131-1 du code des transports (anciennement loi n°67-545 du 7 juillet 1967 relative aux événements de mer, art. 1er) prévoit que les dispositions du régime de l’abordage maritime s’appliquent à l’abordage survenu entre navires et que sera assimilé à un navire, « tout engin flottant non amarré à poste fixe ». Mais les « épaves » sont exclues de ce régime. Ces dernières, et donc les conteneurs à la mer, sont soumises au droit commun de la responsabilité civile : responsabilité fondée sur la faute (C. civ., art. 1382 s.) ou sur le fait des choses qu’on a sous sa garde (C. civ., art. 1384, al. 1er).
La Cour de cassation avait ainsi fait application de l’article 1384 à propos d’une collision survenue entre un voilier ayant rompu ses amarres et un conteneur échoué sur le rivage (Cass. 2e civ., 5 janv. 1994 : Bull. civ. 1994, II, n° 13).
La difficulté en pleine mer sera néanmoins de relever le numéro du conteneur afin de pouvoir tenter d’identifier le navire qui la perdu (sans savoir quand et où), pour rechercher la responsabilité de l’armateur qui en avait la garde. Cela est quasiment impossible. Concrètement, c’est donc l’assureur corps du navire qui prendra en charge la réparation du dommage causé par le conteneur en mer.
Autres informations : http://www.wk-transport-logistique.fr/consultation/sommaire.php?acronyme=jmm
À lire également :
Mémoire de Grégory MARTIN-DIT-NEUVILLE, sous la direction Maître Scapel : « Les conteneurs tombés à la mer » : http://www.cdmt.droit.univ-cezanne.fr/fileadmin/CDMT/Documents/Memoires/MEMOIRE_-_Les_conteneurs_tombes_a_la_mer_-_Gregory_MARTIN_DIT_NEUVILLE_Maritime.pdf
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