
Le nombre de passagers autorisés à bord d’un navire dépend de la nature de celui-ci, de sa classification, de son activité, plus généralement du régime juridique auquel il est rattaché.
En fonction du navire :
Le décret n°84-810 du 30 août 1984 relatif à la sauvegarde de la vie humaine en mer, à la prévention de la pollution, à la sûreté et à la classification sociale des navires définit les types fondamentaux des navires et leurs administrations.
Il liste ainsi différents types de navires qui seront administrés en fonction de leur nature :
- Les navires à passagers
- Les navires de pêche
- Les navires de plaisance, parmi lesquels :
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- Les navires de plaisance à usage personnel
- Les navires de plaisance de formation
- Les navires de plaisance à utilisation commerciale
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- Les navires de charge
- Les navires de services côtiers ou d’activités côtières
- Les navires spéciaux (récemment intégrés au décret et correspondant aux navires autonomes)
- Les navires sous-marin
- Les unités de forage au large
Ainsi, chaque navire parmi cette liste doit répondre à des normes et à une réglementation technique prévues dans le cadre de leur conception, de leur construction et leur exploitation.
Par conséquent, le nombre de passagers dépendra de la nature du navire et de son activité et de son exploitation.
Qu’est-ce qu’un passager ?
Est-ce qu’un passager clandestin est juridiquement considéré comme un passager ? Est-ce qu’à l’occasion d’un sauvetage en mer de naufragés, ces personnes intègrent de facto la liste des passagers ?
Pour le savoir, il faut se référer à ce même décret qui vient définir ce qu’est un passager.
Il s’agit de toute personne autre que :
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Le capitaine, les membres de l’équipage et les autres personnes employées ou occupées à bord à titre professionnel ou moyennant rétribution en quelque qualité que ce soit pour les besoins du navire ;
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Les enfants de moins d’un an ;
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Le personnel spécial embarqué sur un navire spécial.
“N’entrent pas en compte dans le nombre de passagers les personnes qui se trouvent à bord par cas de force majeure ou par suite de l’obligation dans laquelle s’est trouvé le capitaine de transporter soit des naufragés, soit d’autres personnes” selon l’article 1-II-4 du décret.
En effet, si les naufragés secourus à l’occasion d’un naufrage devaient être considérés comme des passagers, le capitaine commettrait de facto une infraction relative à la sécurité si leur nombre dépassait le maximum autorisé, et viendrait contrarier ainsi toute initiative de sa part vis-à-vis de son obligation de porter secours et assistance en mer.
Il existe une spécificité sur les navires autonomes, à bord desquels les personnes qui s’y trouvent sont qualifiés de “personnel spécial“. Ils ne sont ni des passagers, ni membres d’équipage, ni des enfants de moins d’un an. Ils sont transportées à bord en raison des fonctions spéciales du navire ou des activités spéciales exercées à son bord.
La sécurité maritime, premier critère de l’exploitation d’un navire :
Parce-que la mer est un métier avant d’être un loisir, la réglementation maritime (internationale, communautaire ou nationale) s’est construite au fur et à mesure des évènements de mer qui ont fait évoluer la pratique du milieu.
L’exemple le plus parlant et tristement célèbre est celui du naufrage du Titanic qui a donné naissance à la convention SOLAS devenue incontournable dans la sécurité maritime et la sauvegarde de la vie humaine en mer.
Mais la Marine Marchande n’est pas le seul secteur drastiquement réglementé. Dès l’instant qu’un projet de navigation voit le jour, qu’il soit à titre de loisir ou à titre professionnel, celui-ci est soumis à des règles sécuritaires qui s’appliquent à tous pouvant être régies par :
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- le Code pénal,
- le Code des transports,
- le Code de l’environnement,
- le Code civil,
- le Code rural et de la pêche maritime,
- le Code du patrimoine,
…sans compter les arrêtés PREMAR, les arrêtés ministériels, les décrets, etc.
Il est alors facile de comprendre que toutes les règlementations relatives à la sécurité se valent et s’imbriquent, surtout lorsqu’il s’agit de la vie humaine.
Par exemple, doit ainsi correspondre au nombre de passagers à bord :
- Les capacités d’accueil du navire
- Les capacités d’exploitation du navire
- Les capacités de charge du navire
- La dotation médicale adaptée et déterminée en fonction des caractéristiques du voyage
- Le personnel médical également adapté et déterminé en fonction des mêmes éléments
- L’effectif et les qualifications des membres d’équipage du bord
- Le matériel de sécurité et de secours
- Les engins collectifs et individuels nécessaires pour le sauvetage
Sans oublier que tous ces éléments doivent demeurer à jour de leurs visites et certificats.
En fonction du navire et de son exploitation, la responsabilité de la sécurité incombe au chef de bord, (le capitaine, le skipper, ou la personne désignée responsable du voyage à l’occasion d’une navigation de loisir), pouvant parfois être partagée avec l’armateur.
Et pour chaque navire, le nombre de passagers qui est admis à bord, après approbation du navire, est défini par des conditions fixées par arrêté ministériel et validé par le Centre de Sécurité des Navires après examen des plans et documents de l’embarcation. Généralement, le nombre maximal de passagers pouvant embarquer dépend des caractéristiques du navire, de la zone maritime fréquentée et de la durée de navigation.
Le nombre maximal de passagers, la règle de sécurité et la responsabilité pénale :
L’inobservation des règles de sécurité engage la responsabilité pénale de la personne qui en a la charge, sans qu’un accident ou qu’un dommage ait été réalisé pour autant.
L’article 121-3 du Code pénal précise qu’il y a délit en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité compte tenu de la nature des missions ou des fonctions de la personne qui en a la responsabilité.
De plus, l’article 223-1 du Code pénal indique qu’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Par ailleurs, dans un arrêt de la Chambre criminelle du 11 février 1998, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par un capitaine qui a été condamné sur la base de l’article 223-1 du Code pénal, considérant que “l’exposition d’autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures graves” (autrement dit la mise en danger de la vie d’autrui) était bien caractérisée au regard du fait que le capitaine d’un navire de 600 places avait accepté de transporter 112 passagers en surnombre en violation des prescriptions réglementaires concernant les engins de sauvetage individuels et collectifs.
La Cour ajoute que l’existence de conditions climatiques favorables ne saurait exclure le risque majeur auquel se seraient trouvés exposés les passagers, en cas d’accident, de ne pouvoir, tous, disposer d’engins de sauvetage garantissant la sauvegarde de leur vie.
Ainsi, le chef de bord d’un navire, qu’il soit capitaine, skipper, ou même le propriétaire d’un navire de plaisance, peut voir sa responsabilité pénale engagée s’il ne s’assure pas du nombre total autorisé de passagers à bord du navire qu’il commande, outre les autres règles qui lui incombent (le matériel d’armement et de rechange, la conformité des extincteurs, la présence de signaux de détresse, etc.).
Il encourt donc une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende sur cette seule infraction de passagers en surnombre.