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Le documentaire “Qui contrôle la mer” a été diffusé par Arte dans le cadre de son programme Thema le mardi 21 juillet au soir. Il est l’œuvre de Baudouin Koenig et de Michel Koutouzis. Durant plus de 1 h 20, ce film expose aux téléspectateurs une véritable plongée dans l’immense océan du commerce mondial.
Les deux seuls sujets qui ne sont pas traités : la plaisance commerciale, qui ne concerne qu’une petite partie du monde maritime et qui est surtout très géolocalisée et régionale, et la pêche, dont les enjeux économiques sont bien moindres comparés aux échanges mondiaux par voie maritime.
Tourné en 2014, le documentaire se penche sur les 53 000 navires de commerce qui se croisent à l’année sur les routes maritimes, transportant 8 milliards de tonnes de marchandises et représentant 90 % du commerce mondial.
Avec l’appui de nombreux témoignages des plus grandes personnalités du monde maritime – Tom Boardley (Lloyd’s Register), John Wang (CMA CGM Chine), Philippe Louis-Dreyfus (LDA), George Gourdomichalis (G Bros Maritime), Arnaud Leroy (député), Patrick Verhoeven (Ecsa), Philippe Alfonso (ETF), etc. –, Baudouin Koenig dresse un portrait objectif de cet univers étonnant, parfois terrifiant, toujours fascinant.
De manière synthétique, voici les quelques aspects que l’on retiendra du documentaire :
– 53.000 navires de commerce se croisent tous les ans sur les mers. – 8 milliards de tonne de marchandises sont déplacés chaque année.
– En 2013, le port de Yangshan (séparé du continent par un pont de 30km, soit la distance Nice-Cannes) a traité plus de 7,6 millions de conteneurs, contrairement à 2005 où le premier mois, le port n’a traité que 30.000 conteneurs. Bientôt 20 millions de conteneurs seront traités.
– Sans la volonté chinoise d’ouvrir son économie au monde, le conteneur serait resté l’apanage exclusif des américains.
– Hier, les villes étaient bâties autour de leurs ports. Aujourd’hui les quais sont des espaces sécurisés, loin des regards, et plus les bateaux sont immenses, plus le shipping devient invisible.
– La France qui comptait plus de 500 navires sous pavillon national n’en compte aujourd’hui que 200.
– Selon Philippe Louis Dreyfus, Louis-Dreyfus Armateur ne souhaite plus que ses vraquiers soient sous pavillon français, car “gérer une flotte de vraquiers sous pavillon français ne serait plus raisonnable en compétition avec les armements étrangers, asiatiques en particulier. Par contre, Louis-Dreyfus Armateur a depuis 15 ans développé une flotte de navires high-tech sous pavillon français.”
– Le champion du monde de l’optimisation fiscale maritime est la Grèce dont les avantages fiscaux sont protégés par la constitution. Depuis 1975, le taux d’imposition n’a pas changé : il est de 45 cents par tonne. Donc un grand navire de 200.000 tonnes paye moins de 90.000$ par an à l’État Grec. Et le plus important c’est qu’il paye au cours du dollar actuel et pas en valeur dollar de 1975. Avec l’inflation, la valeur baisse et l’impôt est de moins en moins important. Cela signifie que la taxe payée par les armateurs grecs a été divisé par 32 à cause de l’inflation et de la variation du cours du dollar.
– La Marine Marchande, en particulier au long cours, ne contribue ni à l’économie, ni à la nation, ni au pays tout entier alors qu’il dégage des bénéfices pharamineux.
– Le pavillon de complaisance n’a pas été adopté que pour des raisons fiscales, mais aussi pour échapper à ses responsabilités : Erika, Tore Canyon, etc. Cas de l’Erika qui prouve que les lois de la mer sont impénétrables et que le monde maritime est d’une opacité comme nul part ailleurs : Souveraineté du pavillon de complaisance, délégation du contrôle de sécurité, à des acteurs privés, sociétés off shore. Il a fallu 1 an d’instruction pour découvrir qui était le véritable armateur du navire. Cela demande à faire des investigations internationales, etc.
Érika :
L’Erika, immatriculé à Malte, est controlé par 2 sociétés libériennes, détenu par un italien qui est domicilié à Londres. Le pétrolier a été affrété par une société des Bahamas, agissant par l’intérmediaire d’une société suisse, pour le compte d’une société britannique qui représente une filiale de Total basée au Panama.
Certains pavillons de complaisance ont intégré dans leur propre législation des règles qui interdisent de divulguer le nom des personnes physiques qui détiennent des sociétés. C’est le cas du Libéria, chez qui la loi ne permet pas de demander qui est le représentant légal d’une société.
– Le plus cher dans une société de shipping aujourd’hui, ce n’est pas les hommes qui travaillent, mais le carburant, avec une consommation moyenne de plus de 100 tonnes de fioul lourd par jour par navire.
– Le carburant vaut parfois le triple du salaire des équipages. Cela inclut que les armateurs fassent tout pour réduire les couts. Les capitaines doivent faire le maximum d’économie d’un point A à un point B : la course à la lenteur, le slow steaming. diviser par deux la consommation de fioul.
– Pour réduire de 90% les émissions de souffre, à partir du 1er janvier 2015 il y a une nouvelle réglementation sur le souffre. Elle a malheureusement comme effet secondaire d’augmenter le cout du fioul pour les armateurs de 40%.
– La menace du dépavillonage est une menace constante. C’est la volonté d’échapper à toute reglementation sociale ou environnementale qui pourrait constituer un cout.
– Il existe au monde 1,5 millions de marins. Les salaires varient d’une nationalité à l’autre, sur le même bateau, pour un même poste.
– 22 marins pour manoeuvrer le plus grand porte conteneurs du monde. La masse salariale est le seul poste où l’armateur peut baisser ses couts. Il n’y a pas de variable d’ajustement. Le combustible est incompressible, les frais de port sont incompressibles, l’entretien c’est le minimum, ce qui reste, ce sont les marins. Même s’il n’y a pas grand chose.
– La MLC2006 a pour but d’améliorer les conditions de travail et de vie de tous les marins sur tous les navires. Mais elle a surtout été faite pour les marins du tiers-monde.
– Pour embarquer à bord de ces navires, il ne faut pas être un aventurier ou un fêtard, mais un ascète, psychologiquement équilibré. Ce ne sont plus de marins, mais des professionnels maritimes globaux.
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