Marine Nationale : L’absence du « Mon » ne vient pas de Trafalgar

Derrière beaucoup de coutumes, usages, traditions et expressions militaires se cachent bien souvent des anecdotes insolites, amusantes ou historiques.

Dans la Marine Nationale, où les traditions sont des règles de savoir-vivre et de savoir-être qui constituent le socle des usages, les politesses et comportements varient selon les circonstances : cérémonies, vies à bord, correspondances, etc.

La tradition militaire révèle que lorsqu’un marin interpelle un interlocuteur militaire, il existe un usage d’appellation du grade conforme au règlement de discipline générale, à savoir :

  • « Mon capitaine », « Mon général », etc., pour les officiers des Armées de Terre, de l’Air et de la Gendarmerie ;
  •  « Capitaine », « Commandant », « Amiral », etc., pour les officiers de Marine ;
  • « Monsieur l’ingénieur en chef », « Madame le médecin général », « Monsieur le commissaire en chef », etc., pour les autres corps des armées.

Dans la Marine, ces règles doivent être appliquées par tout le personnel, qu’il soit masculin ou féminin, en civil ou en uniforme.

On donne donc du « Mon » lorsque l’on s’adresse à certains gradés, en particulier dans l’Armée de Terre, de l’Air et de la Gendarmerie.

Cependant, dans la Marine, cette pratique n’existe pas.

Durant des années, et aujourd’hui encore, on raconte que cette absence du « Mon » devant le grade date de la défaite de Trafalgar, alors que cet usage remonte bien avant le 1er Empire.

La perte du « Mon » depuis Trafalgar, une fausse légende

On ne sait comment elle est née, mais la légende la plus répandue prétend qu’après la défaite de Trafalgar le 21 octobre 1805, Napoléon, qui tenait pour responsables les officiers de la « Royale » (alors appellation de la Marine), décida qu’on ne leur dirait plus « Mon » devant leur appellation de grade, car selon cette version, « Mon » est le diminutif de « Monsieur » et il les aurait punit en leur retirant cet honneur.

En effet, ces sources évoquent une discussion entre Napoléon et le commandant Pierre de Villeneuve, considéré comme le principal responsable du désastre. A l’issue de la bataille, Napoléon aurait dit à cause de la défaite : « je ne vous appellerais plus monsieur« .

Pourtant, « Mon » n’a jamais été le diminutif de « Monsieur ».

L’absence de « Mon » pour raisons structurelles

L’absence du « Mon » chez les marins est bien antérieure au 1er Empire et n’a rien à voir avec le terme « Monsieur ».

« Mon » n’a jamais été l’abréviation de « Monsieur » car en vieux français, l’abréviation n’était pas « mon » mais « Sieur« , et « Dame » pour « Madame« .

De plus, sous l’Ancien Régime, les régiments appartenaient à un aristocrate, un noble, qui été pourvu d’une charge et qu’on appelait un office (donnant le terme d' »Officier« ) qui pouvait les mettre au service du roi. A ce titre, leurs hommes étaient payés par le propriétaire du régiment, pouvant s’agir de leur adjudant, de leur lieutenant, etc, d’où l’usage du « mon » au sens possessif.

En revanche, la Marine était celle du roi, d’où l’expression « la Marine Royale« , et c’est le trésor royal qui versait la solde des équipages et non les commandants des vaisseaux. Il n’étaient en rien « propriétaires » de leur équipage, d’où l’absence de l’usage du pronom possessif « mon ».

C’est donc ce rattachement direct de la marine royale au roi qui faisait que l’on parlait de « La Royale » (toujours utilisée à mauvais escient aujourd’hui) alors que certaines légendes indiquent que cette appellation vient de l’ancienne adresse de l’Etat Major de la Marine située au 2 rue royale à Paris.

Aujourd’hui, la Marine est nationale et la précision est aussi intéressante qu’éloquente car avant et après la Révolution, la Marine a toujours été une institution régalienne.

Désormais, on a le choix d’appeler un officier de Marine « Monsieur/Madame le (au masculin toujours) [son grade] » ou « Monsieur/Madame (tout court) » ou (et c’est effectivement la manière la plus courante) les appellations courtes type : « amiral », « commandant », « capitaine », « lieutenant », etc.

Si ces appellations sont dites courtes, c’est que leur serait associée une expression complète et qui comporte toujours le terme de « Monsieur« . Ainsi un capitaine de corvette sera officiellement désigné par son titre complet : « Monsieur le Capitaine de corvette Untel« .

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