Depuis l’apparition des pouvoirs forts et des volontés politiques de centralisation et d’intégration des territoires qu’il contrôle (Empire, Etats-Nations), l’Etat qui enregistre un individu pour servir au sein de son armée est tenu de fournir, distribuer et entretenir les uniformes qui vont l’accompagner le temps de son engagement.
L’uniforme a toujours été obligatoire pour l’exécution du service et ne doit comporter uniquement des effets réglementaires, comme le rappel le Code de la défense.
Aujourd’hui, en France, c’est l’Etat Major des Armées qui assure la maîtrise d’ouvrage de la filière d’habillement pour l’ensemble de ses armées et qui détermine sa politique, accompagné par chaque Etat-Major (Marine, Terre, Air), et attend du Service du Commissariat des Armées (SCA), opérateur unique de la fonction habillement et maître d’ouvrage délégué, qu’il lui fournisse la prestation commandée.
L’uniforme militaire fait partie d’une dotation initiale et d’une éventuelle dotation complémentaire que chaque Etat-Major fixe en fonction de l’armée ou du service, du grade, du sexe, de l’emploi exercé, du lieu d’affectation et des opérations.
Dans la Marine Nationale, les effets qui constituent le trousseau sont :
- Identitaires : tenues de cérémonie, de sortie, de service courant, de combat du marin embarqué, passementerie, attributs et insignes ;
- Spécifiques : liés à l’exercice d’activités professionnelles et de missions déterminées, peuvent être transverses aux armées, services et directions ;
- Communs : doivent l’être à au moins deux armées et constitués d’effets de sport, des effets de vol, des effets individuels de combat à terre, des effets de protection individuelle dont le port est prescrit par les règles d’hygiène, de santé et de sécurité au travail, des tenues des lycées militaires, des décorations.
(Les principes et les règles relatives au port de l’uniforme sont à retrouver dans les instructions publiées aux Bulletins Officiels de l’armée dont l’une est à retrouver en cliquant ici).
La propriété de la dotation militaire
Les instructions militaires indiquent que les dotations initiales ou complémentaires sont perçues lors d’une première affectation selon le contexte d’engagement (spécialité, zone d’engagement, etc.), ou en cas de besoin de renouvellement, à titre gratuit ou onéreux selon les règles d’attribution et de cumulation de points.
Ces dotations sont formellement attribuées par le Ministère des armées pour le compte du militaire, et l’instruction militaire n°1756 relative à la gestion des effets d’habillement du personnel militaire de la marine nationale indique dans son article premier :
“Les militaires sont utilisateurs des effets et accessoires reçus, lesquels demeurent propriété de l’État et à ce titre, sont incessibles.”
De plus, le décret du 21 novembre 2011 relatif au régime d’habillement du personnel militaire des armées indique en son article 3 que les effets perçus dans la première dotation ou dans la dotation complémentaire demeurent propriété de l’Etat (sauf ceux non restituables) et doivent donc être restitués en fin de contrat.
Un marché parallèle ?
Pourtant, il est fréquent de retrouver sur Vinted (le marché en ligne qui permet de vendre, d’acheter et d’échanger des vêtements et accessoires d’occasion) une multitude d’effets issus de la dotation du militaire, comme des TPB (Tenue de Protection de Base), des T22, des vareuses, des pantalons, des sacs, et autres vêtements censés faire partie de la dotation du marin :
Si ce marché parallèle peut parfois rendre un grand service aux marins de la Marine Nationale, dont on sait que l’approvisionnement en vêtements est difficile, il entre en contradiction avec le principe d’incessibilité des effets de la dotation érigé par les textes réglementaires en la matière.
Cette dotation est mise à la disposition du personnel militaire pour l’exercice de ses fonctions, et ce, selon la figure de droit civil du prêt, où l’emprunteur a l’obligation en tant que personne normale et soigneuse de prendre soin du matériel prêté et de restituer ce matériel après usage au prêteur, c’est-à-dire au Ministère de la défense.
On peut dès lors considérer que la non restitution et de la vente libre de ces tenues peut effectivement être assimilé à du vol, sous réserve que ces uniformes fassent partie de la dotation délivrée lors de l’incorporation, ce qui, aujourd’hui, est difficile à prouver.
Les commerces de déstockage militaires
Il existe dans le monde civil des sociétés et des ateliers spécialisés dans la vente de vêtements, d’équipements et d’accessoires militaires où viennent se doter les marins lorsque les centres d’habillement ne peuvent les fournir à temps.
C’est notamment le cas de l’atelier “Au Col Bleu“, véritable institution chez les marins qui leurs sont fidèles depuis 1938 et qui fait partie intégrante du patrimoine de la Royale.
La dotation auprès de ces commerces est libre, et bien que l’on puisse se fournir des effets qui constituent le trousseau initial ou complémentaire, ils ne sont pas la propriété de l’Etat si celui-ci ne les a pas fourni.
Il s’agit, ici encore, de prouver que les tenues mises en vente par les marins ont bien été acquis librement auprès d’institutions autres que le Ministère des armées, et qu’il ne s’agit pas non plus d’entreprises spécialisées dans la vente d’accessoires militaires qui ont le droit d’exercer sur les sites internet de vente par correspondance comme Vinted ou Leboncoin.