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Paul Watson, fondateur de Sea Shepherd, condamné pour avoir protégé des requins

Paul Watson est sorti le 21 mai de prison. Sorti, oui, libre, non. Des donateurs ont réglé la caution, fixée par la Justice allemande à 250 000 euros (est-il besoin d’ajouter un point d’exclamation ?), aussi le fondateur et président de la Sea Shepherd Conservation Society est-il à présent assigné à résidence en Allemagne dans l’attente de son extradition au Costa Rica, validée par le juge.

Si vous l’ignoriez, le défenseur des mers avait été arrêté et mis sous les verrous à Francfort le 13 mai, suite à l’émission d’un mandat d’arrêt costaricain relatif à une affaire datant de 2002. On est en droit de se demander si cette histoire ne serait pas de nature politique plus que juridique, les chefs d’accusation qui pèsent sur le Canadien de 61 ans paraissant quelque peu artificiels. Les intérêts de la planète qu’il défend sont décidément peu compatibles avec ceux des ennemis qu’il s’est faits au fil des ans. Alors qu’INTERPOL a déclaré que le mandat d’arrêt costaricain n’était pas recevable, le rôle exact que joue l’Allemagne dans cette affaire est flou. Mais on peut imaginer que c’est là le début d’un scandale, et que si rien n’empêche l’extradition de Paul Watson dans les jours ou semaines qui viennent, alors cela équivaudra pour lui à la signature de son arrêt de mort. Cette affaire pourrait en outre avoir de sinistres répercussions sur les autres causes ayant l’idée saugrenue de contrarier les intérêts financiers à court terme de quelques organisations…

En 2002, pendant le tournage du film Les seigneurs de la mer, Paul Watson et son équipage patrouillent dans les eaux du Guatemala à la demande du pays. Ils y surprennent un palangrier costaricain, le Varadero I, en pleine pêche illégale au requin et, avec l’autorisation des autorités guatémaltèques, escortent celui-ci en direction du port. Les braconniers tentent de prendre la fuite sans succès. Alors que les deux bateaux approchent de la côte, M. Watson apprend que les autorités portuaires locales ont retourné leur veste et souhaitent désormais immobiliser son navire. Il décide alors de rejoindre le Costa Rica. Là, il est accusé de tentative de meurtre par les pêcheurs du Varadero I, accusation dont le caractère mensonger sera reconnu par le tribunal après visionnage d’une vidéo de Sea Shepherd montrant l’intégralité de l’interaction avec le palangrier. Sans le moindre chef d’accusation, un juge ordonne néanmoins l’arrestation et la détention, pour une durée indéfinie, de Paul Watson. Celui-ci choisit alors de quitter le pays.

Après l’incident, le mandat d’arrêt tombe aux oubliettes et M. Watson n’est guère inquiété… jusqu’en octobre 2011, où le Costa Rica émet soudain un nouveau mandat d’arrêt sous le prétexte de violation du trafic maritime. Il est à noter que cette décision est entérinée au moment précis où la flotte baleinière japonaise décide de son côté d’intenter un procès à Sea Shepherd aux États-Unis. La connexion, si elle n’est pas démontrée, est tentante quand on sait le préjudice causé par l’ONG à la flotte baleinière japonaise, qui lors de sa dernière campagne de chasse (illégale car au cœur du sanctuaire de l’océan Austral) n’a pu ramener que le quart du quota prévu (267 baleines tuées au lieu de 1 035, soit 768 baleines sauvées par Sea Shepherd).

Il y a un peu plus d’une semaine, le défenseur des océans est donc arrêté, et cinq jours après tombe un verdict âpre, choquant par l’ampleur de la caution fixée et préoccupant quant à l’issue.

Pour beaucoup, c’est la consternation. L’histoire est aberrante. INTERPOL avait déclaré que le mandat d’arrêt ne remplissait pas les critères légaux, ce dont les États membres, Allemagne incluse, avaient été dûment informés. Cette semaine, maintes personnalités politiques ont exprimé leur indignation ; plus tôt aujourd’hui, le Sénat brésilien a officiellement dénoncé les pratiques de pêche illégale et salué le travail de l’activiste, demandant sa libération à l’Allemagne.

Cela ne suffit manifestement pas. On ne peut qu’être surpris de telles attitudes de la part de notre voisin outre-Rhin, pays à l’avant-poste de la conscience écologique, et de la part du Costa Rica, soi-disant star de l’écotourisme en Amérique latine… Qui d’autre est derrière l’affaire ? Qui peut bien en vouloir à ce point à Paul Watson ? Nous ne nous autoriserons pas de raccourcis faciles, toutefois force est de reconnaître que des intérêts financiers massifs entrent en balance.

Dans cette histoire rocambolesque aux chefs d’accusation bancals, les véritables motivations seraient-elles de nature politique ? Si M. Watson subit aujourd’hui le couperet de la Justice, on peut penser que c’est parce que son combat gêne une industrie et une contrebande extrêmement lucratives. Accaparées par quelques cartels, celles-ci génèrent des milliards (on estime que le trafic d’ailerons de requins est le deuxième trafic le plus juteux au monde après celui de la drogue) et des organisations de malfaiteurs en sont parties prenantes.

Dans le cas où Paul Watson serait bel et bien extradé, il est probable qu’il n’aurait jamais droit à un procès équitable et cela s’apparenterait vraisemblablement à la signature d’un arrêt de mort pour lui. Omniprésente au Costa Rica, la mafia taïwanaise, pour ne citer qu’elle, aurait mis sa tête à prix et aurait ses entrées jusque dans le système pénitentiaire costaricain.

Outre le côté scandaleux de l’affaire, quel signal envoie-t-elle aux défenseurs de la biodiversité, et par extension à tous les militants de causes devenues nécessaires, ces citoyens engagés qui sont autant de pierres d’achoppement pour les industries, organisations, trafiquants et mafieux qui font leurs affaires sur le dos de l’avenir ? Si l’Allemagne (et donc l’Europe) donnent l’impression de cautionner, de participer, de laisser faire, qu’est-ce que ça signifie au juste ? Que nul ne peut plus lutter contre les dérives nocives de ce monde sans encourir les foudres d’autorités biaisées, de systèmes judiciaires aux motivations et leviers litigieux, d’organisations souterraines voyoutes ?

Au delà du soutien que nous manifestons à cet homme qui dédie sa vie depuis 40 ans à l’avenir des océans – et donc au nôtre, nous tenons aujourd’hui à exprimer notre grande inquiétude pour l’avenir des belles causes et de ceux qui les incarnent. La condamnation de M. Watson et la manière dont cette affaire se déroule sont tout à fait révoltantes. Doit-on forcément faire d’un homme un martyr avant de réaliser qu’il était un grand homme ?

« Si les requins disparaissent, les océans meurent et si les océans meurent, nous mourons » dit M. Watson. Nous déclarons à notre tour : « La condamnation de Paul Watson profite in fine aux intérêts de criminels et si on sert les intérêts de criminels, que peut espérer l’homme de bien ? »

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