
Pierre BLANCHARD, capitaine de la Marine Marchande et Président de l’Association Française des Capitaines de Navires (AFCAN), alerte une nouvelle fois les autorités sur l’urgence des marins à se faire vacciner.
Toujours essentiels et toujours aussi invisibles
Qui oserait mettre en doute rôle fondamental des marins qui représentent près de deux millions de salariés dans le monde (selon Karine Langlois, chargée de communication au sein de l’Organisation Maritime Internationale) ? Pourtant, quelle peine faut-il aux acteurs du monde maritime pour les faire reconnaître plus d’un an après le début de la crise mondiale comme “travailleurs essentiels“.
Le Cluster Maritime Français, Armateurs de France, les syndicats des marins (notamment la CFE-CGC Marine et la CGT des marins), et plus généralement les défenseurs de la cause maritime, ne tarissent pas d’énergie pour faire reconnaître ces professionnels comme prioritaires, au même titre que les professions médicales, enseignantes, celles des forces de l’ordre, etc.
Un risque pour la sécurité maritime
Le samedi 24 avril 2021 au port du Havre, un pétrolier a dû être mis en sécurité par deux pilotes et cinq remorqueurs parce-que 16 marins parmi les 25 membres d’équipage ont attrapé la COVID-19 et son capitaine n’était donc plus en mesure de gérer le navire. Il a d’ailleurs fallu plusieurs jours pour gérer au mieux cette situation avec les autorités maritimes, sanitaires et portuaires (article à lire sur le site Jeune Marine).
Cet évènement est révélateur des difficultés auxquelles font face les marins exposés aux risques sanitaires et ainsi particulièrement vulnérables. A ce titre, Frederic MONCANY, Président du Cluster Maritime Français, a écrit ces mots très justes :
“Un équipage contaminé, c’est un navire qui n’est plus maitre de sa manœuvre. C’est un risque de sécurité maritime. C’est un risque pour le commerce international. Merci aux équipes havraises qui ont su pallier la défaillance. Cette opération démontre concrètement l’urgence de permettre la vaccination des marins.”
Seuls les conducteurs de ferry sont prioritaires à la vaccination
Par un communiqué de Presse, le ministère du travail a publié le 20 avril 2021 une nouvelle liste de professionnels du secteur privé dont l’accès aux vaccins doit être facilité, à condition que les concernés ont plus de 55 ans. Parmi eux, les “conducteurs de ferry” et “conducteurs de navette fluviale”, mais aucun autre marin. Article à lire sur Le Marin.
Désormais, c’est à Pierre BLANCHARD, Président de l’Association Française de Capitaines des Navires, de prendre la plume pour rappeler aux décideurs politiques que les marins sont l’un des maillons essentiels de ce qui constitue les intérêts vitaux de la nation, et demander ainsi de ne plus exclure les marins des programmes de vaccination, et de doter en oxygène tous les navires qui naviguent au long-cours :
“Les retours d’expériences suite à ces incidents montrent que les navires ne sont pas équipés pour faire face à des cas graves de COVID.
En effet la dotation française demande aux navires au long cours d’avoir 2 bouteilles de 5 litres (à 200 bars) d’oxygène.
Ceci permet moins de 5 heures d’oxygénothérapie pour un seul patient. On voit bien que c’est très largement insuffisant pour des navires qui sont la plupart du temps à plusieurs jours de la première évacuation sanitaire possible et sur lesquels plusieurs patients peuvent être à traiter en même temps.
Des mesures immédiates doivent être prises pour préserver la vie des marins :
- 1) La vaccination (avec apostille officielle du vaccin sur le carnet international de vaccination) de tous les marins au long cours doit commencer sans tarder. Ceci du fait du caractère essentiel de leur mission mais surtout du fait qu’en cas de contamination, leurs chances de survivre sont bien moindres que celles des terriens.
- 2) La dotation en oxygène doit être largement augmentée et tous les navires doivent être équipés en générateurs d’oxygène. Ceci pour augmenter les chances de survie jusqu’à l’évacuation. Mais aussi pour tenir compte des pénuries (comme cela s’est produit en Inde) et de la difficulté pour les navires à se réapprovisionner du fait de la diversité des normes et des types de réservoirs en service.”