Mer : comment les phares résistent-ils aux tempêtes ?

Phare de la Jument, Ronan Follic

Les phares maritimes ont été le premier moyen pour les navires de repérer les zones dangereuses.

Les premiers phares maritimes sont apparus dans l’Antiquité avec le développement de la marine, pour assurer la sécurité des voies maritimes, signaler la côte et plus généralement l’entrée d’un port.

Certains phares toujours debout résistent aux courroux des éléments depuis des centaines d’années.

Le plus vieux phare de France est celui du Cordouan situé à 7 kilomètres en mer à l’embouchure de l’estuaire de la Gironde, construit en 1584 et mis en service en 1611, culmine à près de 70 mètres de hauteur et visible à 22 milles.

Comment résiste-t-il aux tempêtes depuis plus de 430 ans ? Aux vents de plus de 250km/h ?

Même question pour le phare de Chassiron dans le golfe de Gascogne construit et mis en service en 1836, et celui des Baleines sur l’île de Ré construit en 1849.

Comment ces vieilles structures peuvent-elles supporter ces contraintes de forces énormes ?

La construction d’un phare présente une double difficultés :

  • Liée à la phase de construction elle-même, longue, lente et dangereuse
  • Liée à la solidité du phare qui va devoir supporter les assauts de l’océan

Solidité et stabilité du phare :

Les phares sont soumis à l’érosion et à la force du vent et des vagues. Par conséquent, ils doivent résister à plusieurs éléments :

  • La pression de l’eau contre les parois, pouvant atteindre 30 tonnes/m²,
  • La succion lorsque les vaguent se retirent, qui peuvent déplacer des blocs de plusieurs milliers de tonnes,
  • Des vibrations par suite de chocs successifs de vagues (phénomène de résonance)
  • Un mitraillage par le sable et le gravier transportés par l’eau.

Ainsi, pour limiter au mieux la résistance au vent, la forme cylindrique, et donc aérodynamique sera la plus adaptée pour faire dévier l’air et favoriser son écoulement autour de la structure, comme s’il glissait le long des parois.

Concernant la structure, le fer sera le plus adapté à condition qu’il soit fermement scellé dans la roche pour bien fixer la maçonnerie.

Concernant la stabilité, la construction sera évasée et renforcée à la base pour mieux l’améliorer.

Une construction longue et dangereuse :

La construction d’un phare en pleine mer, sur un rocher balayé par des vagues déferlantes, est une opération longue, dangereuse périlleuse. La durée du chantier est fonction des conditions climatiques mais aussi du site choisi.

II a fallu :

  • 14 ans pour bâtir le phare d’Ar-Men (1867-1881) en mer d’Iroise;
  • 5 ans pour le Grand Charpentier (1883-1888) près de Saint-Nazaire,
  • 24 ans pour le phare de Nividic (1912-1936) au large d’Ouessant

Après l’étude du site (observation des courants, prélèvements de roche, conditions d’accostage, étude des rochers émergents), la roche est brossée pour être débarrassée de toute végétation puis nivelée. Une sécurisation de l’accostage est entreprise par la construction de quais de déchargement et l’installation de treuils. Sur la terre ferme ou sur une île voisine, une base arrière est aménagée pour la taille des pierres et leur numérotation.

Le creusement des fondations débute entre deux marées. Il faut régulièrement drainer la fosse et pomper toute l’eau accumulée. Souvent, les tempêtes détruisent les travaux de soubassement inachevés. En 1869, 24 accostages sur Ar-Men ne permettent que 12 heures de travail effectif dans l’année.

Différents corps de métiers participent à l’élévation de la tour : charpentiers, forgerons, chaudronniers, maçons…

Les moyens de levage et les échafaudages s’élèvent à mesure de la construction. Dans les étages sont ensuite aménagés les magasins, les salles techniques et les logements des gardiens. Pour finir, la coupole couronne la lanterne achevée.

Toujours sur Ar-Men, les ouvriers débarquaient sur le rocher par équipe de 2, et étaient souvent contraints de se coucher pour ne pas être emportés par les vagues qui déferlaient. Un marin restait constamment posté sur la roche avec pour seule mission de surveiller l’arrivée d’éventuelles déferlantes.

Des phares flottant ?

Il n’est pas toujours possible de construire un phare en pleine mer, le récif étant trop éloigné des côtes ou immergé. Au début du XVIIIe siècle, l’anglais Robert Hamblin invente le phare flottant ou bateau-feu.

Il imagine de mouiller à proximité des récifs dangereux des navires dont le mât supporte un appareil d’éclairage. Cette invention connaît un rapide essor en Angleterre.

Le premier bateau-feu français est le Talais, mis en service en Gironde (1845).

En 1880, la France compte une dizaine de bateaux feux.

Au XIXe siècle, la flotte arrive en fin de carrière. La plupart des navires sont désarmés et remplacés par des bouées à feu permanent (moins chères à l’entretien).

Le Ruytingen est installé au large de Dunkerque en 1863. C’est navire en bois, de 25 mètres de long, immobilisé grâce à deux ancres de plus d’une tonne chacune. Son appareil d’éclairage émet des éclats rouges de 30 en 30 secondes.

Pendant la journée, la lanterne est descendue au pied du grand mât.

Pour la maintenance, l’équipage est composé de deux officiers et de douze matelots. Ces derniers bénéficient de 15 jours de vacances pour 15 jours de service. Mais cette rotation des équipages rend le fonctionnement du bateau-feu trop onéreux.

Pour aller plus loin :

Pour approfondir la question des phares, leurs constructions, leurs fonctionnements, leurs fonctions et leurs entretiens, le Musée National de la Marine a diffusé un document approfondi sur les phares des côtes de France du XVIe au XXe siècle.

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