
Le 11 avril 2018, l’amiral Christophe PRAZUCK, chef d’état major de la Marine Nationale, a été auditionné devant le Sénat par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à l’occasion de la préparation sur la loi de programmation militaire 2019-2025.
Dans ce cadre, le chef d’état-major de la Marine a mis en exergue quatre défis majeurs que la Marine française doit intégrer, et quatre politiques à mener en conséquence.
1er défi : le retour des rhétoriques de puissance en mer
Par ce therme, l’amiral PRAZUCK entend coordonner au mieux la puissance navale française à l’international face aux “puissances ré-émergentes” comme la Chine ou la Russie.
“La Chine construit en quatre ans l’équivalent de la Marine française et la Russie a multiplié par 1,5 le nombre de ses sous-marins. La posture navale et stratégique de ces pays a donc changé depuis ces dernières années.”
Dans un soucis de crédibilité internationale et de puissance diplomatique, la France doit être au premier plan et doit préserver son rôle d’arbitre auprès des nations.
2ème défi : la remise en question des outils militaires français
Celui-ci concerne le foisonnement technologique de la Marine Nationale.
Le développement exponentiel du big data, de l’intelligence artificielle et de l’emploi de nouveaux vecteurs hyper-véloces oblige l’industrie militaire à ouvrir de nouveaux chantiers pour assurer l’adaptation des moyens navals.
3ème défi : le nomadisme des crises et le terrorisme militarisé
Daech se trouve à la fois en Afghanistan et dans le Sinaï, et des cellules de terrorisme radicalisé apparaissent en Asie du Sud Est, tandis que prolifère le trafic des armes de haute technologie, comme les missiles anti-navires désormais détenus par des groupes non-étatiques au Yémen, au Sinaï ou en Méditerranée orientale.
Ce nomadisme des crises est rendu plus complexe encore par l’évolution du niveau technique des armements, ce à quoi l’armée française et la Marine Nationale doivent s’adapter, ce qu’ils doivent anticiper.
4ème défi : l’affaiblissement de l’ordre international en mer
Les conflits de territoires entre États sont toujours d’actualité, malgré un droit maritime international précis et équitable. C’est particulièrement le cas en Mer de Chine méridionale, où plusieurs îles et archipels sont revendiquées par la Chine, le Vietnam, les Philippines, la Malaisie et Brunei. Ces îles sont inhabitées, inhabitables, mais l’intérêt de ces revendications repose sur l’exploitation halieutique, pétrolière et gazière.
Mais à l’international, lorsque le droit ne permet pas de résoudre les conflits, c’est la politique et la diplomatie qui prennent la relève. Or, ni l’OMI, ni la diplomatie, n’ont permis à ce jour de parvenir à un accord, d’où le regret de l’amiral PRAZUCK à souligner cet affaiblissement de l’ordre international en mer, qu’il est nécessaire d’améliorer.
Il fait donc le souhait que la nouvelle loi de programmation militaire 2019-2015 prennent en compte ces 4 défis en adaptant le budget aux politiques à mener, la France étant liée et concernée par ces bouleversements.
Quatre défis, quatre politiques à mener en conséquence
1er axe : réorganiser les ressources humaines
Les ressources humaines représentent un enjeu existentiel pour la Marine.
Certaines marines européennes souffrent d’un déficit en ressources humaines au point que parfois, leurs bâtiments ne peuvent pas appareiller, faute d’équipages suffisants.
Faute d’équipage, un bâtiment, fût-il de dernière génération avec l’équipement le plus sophistiqué possible, ne sert à rien !
Ainsi, pour le chef d’état major de la Marine, la Marine doit revoir la politique de rémunération de ses marins et mettre en place un plan familles.
Par ailleurs, il est nécessaire de fidéliser les compétences des marins expérimentés, de renforcer l’attractivité de l’armée, et de revoir la moyenne d’âge des marins embarqués, qui n’est “que” de 29 ans (en particulier à bord des sous-marins nucléaires).
2ème axe : le renouvellement des équipements
L’amiral PRAZUCK est pleinement satisfait des nouvelles commandes à venir :
“J’attends six patrouilleurs pour l’outre-mer d’ici 2024, là où la précédente loi de programmation militaire n’en prévoyait que deux. J’attends dix patrouilleurs de haute mer, destinés à remplacer les avisos A69 ; la précédente LPM n’en prévoyait que deux en 2025. La LPM prévoit une dotation de quatre pétroliers ravitailleurs, dont deux livrés avant 2025, alors que la précédente LPM n’en prévoyait que trois en tout. Cette augmentation est également qualitative, puisque ces nouveaux pétroliers seront à double coque et ainsi en phase avec les normes internationales. Les hélicoptères Alouettes 3, vont être mis au rebut. Avant que l’hélicoptère interarmées léger (HIL) n’arrive, une flotte intérimaire d’hélicoptères de la gamme civile sera louée.
Tandis que les précédentes LPM étalaient les programmes majeurs, la prochaine LPM mobilise les moyens nécessaires pour doter à l’horizon 2030 notre flotte de 15 frégates de premier rang, soit deux frégates de défense anti-aérienne (FDA), 8 FREMM et 5 FTI (Frégate de Taille Intermédiaire). Le maintien de ce calendrier est, pour moi, une excellente nouvelle. Nous passerons également de 15 à 18 avions de surveillance maritime (ATL2) rénovés et recevrons 6 sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) Barracuda, dont 4 seront livrés avant 2025. Les forces spéciales navales seront également équipées de propulseurs sous-marins de troisième génération et d’Ecume.“
3ème axe : l’autonomie stratégique
L’automne 2018 célèbrera la 500ème patrouille d’un SNLE depuis son lancement en 1972.
“L’invulnérabilité de ces sous-marins passe par leur qualité acoustique : pour qu’ils demeurent indétectables, il faut les moderniser.”
L’amiral annonce qu’en 2020 seront réalisés des travaux de réalisation des prochains SNLE qui seront mis en service en 2030.
La LPM évoque également une piste du renouvellement du PA Charles de Gaulle.
4ème axe : l’innovation
En lien avec le 2ème axe, celui du renouvellement des équipements, l’amiral insiste sur le fait que d’autres États ont su tirer parti des dernières innovations technologiques, alors que la Marine française “manque parfois d’agilité dans ces domaines”.
“Les innovations de terrain, comme celles portées par les forces spéciales navales, doivent être mises en cohérence avec l’innovation de plus long terme.”
Ainsi, au travers de ces quatre nouveaux axes, l’amiral PRAZUCK considère la LPM 2019-2025 d’une grande utilité, et estime que la question des ressources humaines sera cruciale et au centre des plans stratégiques à venir pour garantir l’attractivité de la Marine et y attirer les compétences nécessaires.
L’amiral envisage de doubler les équipages des bâtiments les plus sollicités, sans augmenter les effectifs, ni la masse salariale, grâce à des déploiements internes. La Marine devrait obtenir un effectif supplémentaire de 1000 marins.
Les LPM font toujours rêver. Si celle-ci est entièrement réalisée j irai brûler un cierge à Jeanne d’Arc.