Un arrêté du préfet maritime de la Méditerranée n°75/2000 du 11 décembre 2000 réglemente, dans les eaux intérieures et territoriales françaises de Méditerranée, le mouillage des navires de commerce battant pavillon français ou étranger de longueur supérieure à 80 mètres ou de tonnage supérieur ou égal à 1600, y compris les navires de plaisance armés au commerce.
Les eaux intérieures et les eaux territoriales françaises, notamment en Méditerranée, sont des lieux où s’exercent des activités maritimes très diverses, pour lesquelles la Préfecture Maritime a estimé, à juste titre, qu’une régulation des mouillages des navires de commerce serait susceptible d’améliorer la sécurité de la navigation, la protection de l’environnement et la préservation des intérêts connexes de l’Etat, naturellement sans que cette protection porte atteinte au droit de passage inoffensif reconnu aux navires battant pavillon étranger.
La nécessité de renforcer le contrôle des frontières maritimes françaises, en 2000 déjà, fut aussi l’une des raisons qui a poussé le Prémar Med à réglementer le mouillage des navires.
Cet arrêté, toujours d’actualité mais récemment révisé, s’applique dans les eaux intérieures (françaises naturellement) et en mer territoriale à l’extérieur des limites administratives des ports, mais distingue deux zones particulières :
– La Grande Rade de Toulon, située au nord de la ligne joignant la pointe du Rascas (Cap Cépet) à la pointe de Carqueiranne :
Ainsi, l’arrêté impose donc aux capitaines des navires de plus de 80m ou à un tonnage supérieur ou égal à 1600 d’obtenir une autorisation particulière de l’autorité agissant au nom du préfet maritime de la Méditerranée, en précisant la durée du mouillage demandée, et cette autorisation définira la zone de mouillage accordée.
Vu les types de navigations qui existent en Méditerranée, certes les navires de commerce sont concernés, mais le sont également et surtout les yacht de grande plaisance et les navires de croisières. C’est la raison pour laquelle l’arrêté a édité une liste des principales zones de mouillages susceptible d’être attribués, au sein de laquelle on trouve sans surprise Cannes, Golfe-Juan, Villefranche sur Mer, Saint-Raphaël, Calvi, Ajaccio, Porto-Vecchio, Bastia, Porquerolles ou encore Miramar.
Concrètement, pour obtenir les autorisations, les capitaines doivent s’adresser aux services de l’État suivants :
• S’ils souhaitent mouiller dans la grande rade de Toulon, ils doivent s’adresser à vigie Cépet, qui relaie la demande vers le directeur du port militaire de Toulon (joignable à la VHF sur le canal 16, indicatif radio Cépet),
• Et en dehors de cette grande rade, pour les mouillages dans toutes les zones du littoral continental et de la Corse, il faut s’adresse au CROSS MED, également sur le canal 16. Si nécessaire, le CROSS MED peut être contacté par l’intermédiaire d’un sémaphore de la Marine Nationale (VHF ou ASN pour les navires qui en sont équipés).
L’arrêté rappel (fallait-il que ce soit nécessaire) que ces navires sont naturellement tenus de veiller sur le 16 en permanence pendant la durée de leur mouillage.
Enfin, même l’appareillage doit être transmis à la vigie Cépet ou au CROSS MED. Et si cet arrêté n’est pas respecté, cela entraine une contravention de 1ère classe (soit 38 euros).
La vocation originelle de cet arrêté est de contribuer à la sécurité de la navigation, et uniquement cela.
Mais du 20 avril au 12 mai 2016, une consultation publique s’est déroulée afin de mieux répondre aux impératifs de sûreté dans nos approches maritimes, de suivi du trafic des navires de plus de 300 UMS (ce seuil de jauge remplace le seuil précédent de 1600 Tjb), et de prendre désormais en considération la protection de l’environnement,(“Considérant que l’encadrement du mouillage des navires participe à la préservation l’environnement marin” cf le projet de révision du nouvel arrêté), conformément aux engagements nationaux et communautaires dans ce domaine.
Les avis ont pu être adressés par voie postale et par voie électronique via une boîte courriel dédiée.
La synthèse des observations du public :
Le projet du nouvel arrêté révisant donc celui du 11 décembre 2000 n°75/2000 réglementant le mouillage des navires dans les eaux intérieures et territoriales françaises de méditerranée prévoyait plusieurs points notables sur lesquels le public a émis des observations.
Premier point notable et première observation : les navires concernés
Encadrer le mouillage des navires de jauge brute supérieure ou égale à 300 UMS ou de longueur supérieure ou égale à 45 mètres battant pavillon français ou étranger, ayant l’intention de mouiller dans les eaux intérieures ou territoriales françaises de Méditerranée, dans le but de prévenir les accidents et d’assurer la sécurité de la navigation, de renforcer la sûreté des approches maritimes et la défense des intérêts connexes de l’Etat.
Le champ d’application du dispositif augmente ainsi fortement.
Sur ce point, l’association des capitaines italiens “Italian Yacht Masters” a formulé des observations relatives au fait que l’application de cette nouvelle règle visant désormais les navires de 300 UMS ou ceux d’une longueur de coque de 45 mètres n’était pas adapté à la configuration des zones de mouillage définies, lui paraissant insuffisantes en nombre et en superficie, et parfois inadaptées aux navires, car la profondeur des sites visés et les apparaux de mouillage ne pouvant correspondre (les profondeurs des sites ne sont pas adaptés aux apparaux de mouillage).
L’association a également fait part de son inquiétude sur l’impact de cette règle sur l’économie locale si les yachts ne sont plus en mesure de mouiller sur les secteurs choisis par leurs clients.
Deuxième point notable et deuxième observation : autorisation ou déclaration de mouillage
L’article 3 du projet d’arrêté précise les types de navires soumis à autorisation de mouillage : les navires de plus de 80 mètres, et tous les autres navires dont la juge brute est égale ou supérieure à 300 UMS ou de longueur supérieure ou égale à 45 mètres hors tout.
L’autorité agissant au nom du préfet maritime pour autoriser le mouillage de ces navires est le commandant de la base navale de Toulon (en sa qualité de directeur du port militaire de Toulon) pour les mouillages en Grande Rade de Toulon, et le directeur du CROSS MED pour les mouillages dans toutes les zones du littoral continental et de la Corse. Jusque-là, rien de nouveau.
La nouveauté est que le capitaine du navire doit solliciter l’autorisation de mouillage, en précisant la durée envisagée, au moins deux heures avant son arrivée sur zone auprès de l’autorité correspondant à la zone de mouillage souhaitée.
Une deuxième nouveauté, l’autorisation de mouillage sera accordée en fonction des conditions météorologiques, des caractéristiques du navire à l’origine de la demande et des règlementations particulières applicables ainsi que des instructions nautiques, et le navire ne pourra effectivement mouiller qu’après notification par tout moyen de cette autorisation.
Et afin de conserver un dispositif applicable, donc opérationnel, cette extension du périmètre s’accompagne de l’introduction, à côte du régime d’autorisation, d’un régime de déclaration pour les yachts d’une longueur comprise entre 45 et 80 mètres.
On imagine une telle organisation durant lors de grands évènements comme le Festival International du Film où un grand nombre de méga yachts mouillent en baie de Cannes.
À ce titre donc, le chef de la station de pilotage Nice-Cannes-Villefranche a proposé, entre autre, de ne pas retenir certaines zones de mouillage cannois en raison d’une part de l’absence de posidonie, et d’autre part compte tenu du fait que le nombre de points de mouillage proposé ne lui semble pas compatible avec le nombre de navires à mouiller qui peut varier de nombreux yachts à quelques paquebots seulement.
Troisième point notable : les zones de mouillage
Ce nouvel arrêté redéfini les principales zones de mouillage qui répondent aux critères de sécurité de la navigation, de sûreté et de préservation de l’environnement marin. Cette démarche réalisée à l’échelle de la façade maritime s’inscrit dans le cadre du plan d’action pour le milieu marin qui vise à atteindre le bon état écologique des eaux d’ici à 2020, objectif de la directive-cadre « stratégie pour le milieu marin ». La préfecture maritime de la Méditerranée a ainsi mandaté les délégations à la mer et au littoral des directions départementales des territoires et de la mer de la façade pour identifier les secteurs sûrs et respectueux de l’environnement marin. Ce travail s’est appuyé sur un inventaire précis des zones de mouillage fréquentées depuis de nombreuses années ainsi que sur les données écologiques mises à disposition par l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse et l’agence des aires marines protégées.
Pour être encore plus proche de la réalité et de la pratique de la mer par les locaux, des commissions nautiques locales ont parfois été réunies.
Certains secteurs, qui font actuellement l’objet d’une réflexion particulière impliquant de possibles aménagements sur le domaine public maritime, n’ont pas été retenus dans la liste des principales zones de mouillage de l’arrêté préfectoral. Dans le Var, la baie de Sanary-sur-Mer et la rade d’Hyères (pour la zone au nord de Porquerolles) sont notamment concernées pour organiser durablement l’accueil des navires de croisière. Il est donc instauré une période transitoire de deux années durant laquelle le CROSS MED continuera d’autoriser le mouillage des navires sous réserve qu’il réponde aux impératifs de sécurité, de sûreté et dans la mesure du possible de préservation de l’environnement marin.
Sur les observations du public, l’association des professionnels du Yacthing (ECPY) a transmis un mail faisant état de son inquiétude face à cette révision.
L’association a fait part de ses craintes suscitées par la parution de cet arrêté, et selon elle, une charte serait préférable.
Elle a également fait part de son questionnement sur le préavis de deux heures que doit respecter les capitaines de yachts de plus de 80 mètres de longueur pour transmettre leur demande d’autorisation de mouillage.
L’arrêté prévoyant l’interdiction de mouillage en rade de Villefranche pour les navires de plus de 80 mètres, l’association a sollicité la suppression de cette nouvelle règle.
Enfin, elle suggère de définir juridiquement et officiellement le terme de “Yacht”.
De plus, le directeur des ports de la CCI Nice Côte d’Azur a formulé plusieurs observations qui méritent que l’on s’y attarde. Selon lui :
• Le délai de préavis des deux heures pour solliciter une autorisation de mouillage n’est pas applicable au yachting contrairement aux autres navires de commerce ou de croisière,
• La taille des navires pilotés ne doit pas être abaissée mais plutôt harmonisée à 80 mètres,
• Les dispositions insérées à l’article 7 traitent de la sûreté (l’autorité maritime peut enjoindre aux capitaines de prendre un mouillage dans les zones qu’elle désignera afin qu’une inspection de sûreté préalable à l’entrée dans un port puisse être menée à bord par les services de l’Etat compétents). Des précisions sont sollicitées sur l’inspection préalable de sûreté à l’entrée dans un port (périodicité, formalisme, durée de l’inspection,…) afin d’en estimer l’impact sur la durée d’escale.
Hormis les multiples observations des différents acteurs du monde maritime et du yacthing en méditerranée, ce nouvel arrêté semble tout de même être bien adapté à aux nécessité environnementales, de sûreté et de sécurité actuelle.
La principale crainte desdits acteurs est l’impact que peut avoir ce nouvel arrêté sur les retombées économiques des activités de charter et de navigation. Il impose en effet des règles plus ou moins contraignantes et des procédures susceptibles d’ajouter des contrôles supplémentaires dans une activité où il y en a déjà beaucoup.
Enfin, le mouillage des navires de grande taille en Méditerranée est un sujet sur lequel les attentes et les enjeux sont forts. Cela explique les nombreuses observations et questions reçues en complément de la concertation menée dans le cadre de l’élaboration de ce projet de texte. Ainsi, la préfecture maritime a souhaité répondre de manière claire aux observations et questionnements qui lui ont été posées par ceux qui se sont manifestés à l’égard du projet du nouvel arrêté réglementant le mouillage en méditerranée.
Sur la définition du terme “Yacht” :
L’article 2 du projet d’arrêté est précisé conformément aux dispositions du décret n°84-810 du 30 août 1984 modifié relatif à la sauvegarde de la vie humaine, à l’habitabilité à bord des navires et à la prévention de la pollution.
L’article 2 du projet d’arrêté précise d’ailleurs : “l’appellation “yachts” concerne indifféremment les yachts engagés dans des opérations commerciales ou ceux utilisés pour un usage personnel“. Un visa relatif au décret n°84-810 du 30 août 1984 serait donc idéal dans ce nouvel arrêté.
Remise en cause de la correspondance entre la jauge de 300 (UMS) et la longueur de 45 mètres :
Il n’existe pas de correspondance stricte entre la jauge brute en UMS et le seuil de longueur des navires, cette correspondance variant en fonction des caractéristiques des navires. Choisir un seuil de 45 mètres de longueur permet de garantir une jauge brute supérieure à 300.
Suppression du préavis imposé aux navires sollicitant une autorisation de mouillage :
Il est opportun pour le service agissant au nom de l’autorité maritime (CROSS notamment) de bénéficier d’un préavis pour y répondre dans les meilleurs délais en fonction de l’activité opérationnelle. Par ailleurs, l’absence de préavis est de nature à générer de la confusion entre le moment où la demande est formulée et celui où le mouillage est effectué. Afin de tenir compte des contraintes inhérentes au yachting, le délai de préavis est réduit à 1 heure.
Absence de préavis imposé aux navires soumis à la procédure de déclaration de mouillage :
Le mouillage de ces navires ne fait pas l’objet d’une instruction mais les services de l’Etat compétents assurent un suivi du trafic et une surveillance des approches maritimes. C’est la raison pour laquelle il est demandé à ces navires de se signaler auprès du sémaphore concerné.
Définition de secteurs supplémentaires pour le mouillage des navires de plus de 300 UMS pour des questions de sécurité nautique et des motifs économiques :
Les zones définies en annexe III de l’arrêté préfectoral constituent les principales zones de mouillage susceptibles d’être utilisées notamment par les navires dont le mouillage est soumis à autorisation (dont les yachts de plus de 80 mètres, les navires de charge et les navires à passagers de plus de 45 mètres).
Cette liste n’est pas exhaustive. Le choix du secteur de mouillage dépend entre autres des conditions météorologiques, des caractéristiques des navires, de la fréquentation sur zone, des règlementations particulières applicables et des instructions nautiques. D’autre part, les aspects économiques ont bien été pris en compte puisque les zones de mouillage définies à l’annexe III correspondent à l’inventaire des zones de mouillage fréquentées depuis de nombreuses années. Leur délimitation intègre les données écologiques afin de préserver les fonds marins.
Demande d’information complémentaire sur l’inspection préalable de sûreté à l’entrée dans un port afin d’estimer notamment l’impact potentiel sur la durée d’escale :
La question de la sûreté des navires dans les eaux françaises est une question primordiale pour laquelle les mesures du plan Vigipirate s’appliquent. Les contrôles n’obéissent à aucune règle de périodicité mais répondent, à un moment donné, à un besoin exprimé par les services de l’Etat compétents. Les inspections durent le temps nécessaire dans le respect des dispositions législatives et règlementaires en vigueur.
Adoption d’une charte qui se substituerait au projet d’arrêté préfectoral :
Une charte n’offre pas la même portée juridique qu’un arrêté préfectoral dont la violation est strictement sanctionnée. L’objet de ce projet est d’imposer le suivi des navires de jauge supérieure à 300 UMS et de règlementer le mouillage de ces navires. Cela ne peut être imposé par une charte.
Nécessité de prendre en compte les enjeux économiques du yachting :
Les enjeux économiques du yachting ont bien été pris en compte dans ce projet d’arrêté au même titre que ceux d’autres secteurs. L’esprit qui a présidé à l’élaboration de cet arrêté est de concilier les activités existantes (commerce, pêche, plaisance, croisière,…) avec les objectifs de sécurité nautique, de sûreté et de préservation de l’environnement marin.
La révision de l’arrêté du préfet maritime de la Méditerranée n°75/2000 du 11 décembre 2000 est désormais chose faite, les acteurs ont fait part de leurs observations, et un nouvel arrêté basé sur le projet que vous pouvez consulter en cliquant ici s’apprête à voir le jour.
Affaire à suivre donc de près, avec la saison estivale qui arrive à grands pas.