Les caractères juridiques de la fonction de Capitaine

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Parlons Droit et parlons marin. Qui est le Capitaine ? Quelles sont ses fonctions ? Quelles sont ses responsabilités et où s’arrêtent-elles dans l’exploitation du navire ?

Le Capitaine est le préposé de l’armateur, chargé de la conduite et du commandement d’un navire de commerce.

C’est en effet un résumé de la définition que donne le Code Disciplinaire et Pénal de la Marine Marchande.

Si l’on remonte dans le temps, les premiers textes de loi institués au niveau de l’État et qui régissent le monde maritime datent de Colbert. L’Ordonnance de la Marine de 1681 institue déjà un contrôle des connaissances en navigation des capitaines par des professeurs d’hydrographie.

À l’heure actuelle, ça n’a pas véritablement changé. Les commandants de Marine Marchande et les Officiers de Marine Marchande sont sanctionnés par des diplômes d’ingénieur ; ils sont en effet issus aujourd’hui de l’École Nationale Supérieure Maritime, anciennement appelée École d’Hydrographie dont les enseignants était issus du corps militaire des professeurs d’hydrographie.
(Avant de devenir l’ENSM, il s’agissait de l’École Nationale de la Marine Marchande. La “MarMar”).

Le Capitaine a une dualité de fonctions. Il est :

  • Le préposé de l’armateur pour la conduite du navire et qui jouit d’une certaine indépendance (voir d’une indépendance certaine),
  • Le mandataire de l’armateur pour d’éventuelles fonctions commerciales.

Mais force est de constater que les fonctions techniques sont à notre époque les principales (réseau d’agents, communication, conciergerie) et les fonctions commerciales se sont bien réduites.

Contrat d’embauche du capitaine :

L’arbitrage entre Armateur et Capitaine relève des Tribunaux de Commerce et non pas des Prud’homme.
D’ailleurs le Capitaine en tant que commerçant est éligible au Tribunal de Commerce (selon le décret n°61-923 du 3 août 1961 relatif aux tribunaux de commerce et aux chambres de commerce et d’industrie).

Le Capitaine est congédiable assez facilement par son Armateur, en théorie, car les Conventions de la Marine Marchande atténuent largement cette possibilité.
Au contraire il bénéficie en droit international d’une protection particulière en cas de désaccord avec son Armateur à propos de la sécurité sur des navires sous-norme dont on voudrait lui faire accepter le commandement par exemple.

Les contentieux nés de l’exécution ou de la cessation du contrat de travail et pour les actions en responsabilité pour faute commise dans l’exécution du contrat, cela relève pour tout l’équipage du Juge d’Instance et pour le Capitaine seulement du Tribunal de Commerce.

Chef de la société se trouvant à bord :

L’État charge le Capitaine «d’exprimer les réalités du pavillon» : il est le chef de la société de bord. Il dispose ainsi de la fonction de représentant de l’État, qui ont un caractère d’ordre public. C’est la raison pour laquelle il est un Officier d’État Civil.

Cet Officier dÉtat Civil aura différents pouvoirs :

  • Les pouvoirs de déclaration d’un Officier d’Etat Civil : naissance, décès en cas d’urgence, mais pas de mariage contrairement aux idées reçues. Il peut uniquement faire une déclaration de promesse de mariage pour l’un de ses marins (l’avantage du marin pendant les escales). Ces actes doivent être portés sur un véritable registre d’Etat Civil des que possible.
  • Il dispose également des fonctions de notaire pour rédiger un testament par exemple.
  • Il est également Officier de Police Judiciaire ; à ce titre, il constate les crimes et délits, et peut effectuer des enquêtes préliminaires.
  • Enfin, pour rétablir l’ordre à bord, il peut infliger à l’équipage et aux passagers les peines prévues par le Code Disciplinaire et Pénal de la Marine Marchande, pouvant clairement être des peines disciplinaires.

Pour toutes ces fonctions de représentant de l’Etat, il est seul civilement responsable (des abus par exemple), et jamais son Armateur.

Fonction de représentation de l’Armateur en justice :

Il peut représenter son armateur en justice dans le cas où le tribunal est à l’étranger, ou si ce dernier est loin du siège de la compagnie.

Double privilège du Capitaine :

Pour répondre de ses fautes, le capitaine bénéficie :

  • D’un Tribunal Maritime Commercial,
  • De la possibilité de se faire juger par l’État du pavillon ou l’État de sa nationalité.

Cet avantage n’existe que dans le monde maritime. La seule comparaison possible est le domaine de la politique au niveau des hautes sphères de l’État. Un ministre ou Président de la République peut se faire juger par un tribunal d’exception pour les fautes graves commises dans l’exercice de ses fonctions (haute trahison par exemple).

Le Tribunal Maritime Commercial, malgré son appellation, n’a rien de commercial. Il s’agit d’une juridiction exclusivement pénale. Le terme “commercial” provient de ce que ce tribunal jugeait à l’origine les seuls marins de commerce.
De plus, elle est non-permanente.
Il est établi un tribunal maritime commercial au chef-lieu de chacun des quartiers d’inscription maritime de Dunkerque, Boulogne, le Havre, Rouen, Saint-Malo, Brest, Lorient, Saint-Nazaire, Nantes, la Rochelle, Bordeaux, Sète, Marseille, Ajaccio. Les infractions sont recherchées et constatées par les services de l’État intervenant en mer : Gendarmerie nationale, Gendarmerie maritime,Douanes françaises, Affaires maritimes.

Pour plus de détails sur les TMC, reportez-vous au titre IV du Code Disciplinaire et Pénal de la Marine Marchande.

Exemple de responsabilité recherchée systématiquement en matière Pénale en cas de faute dans l’exercice de sa mission principale de conduite du navire en sécurité :

  • échouage
  • perte du navire,
  • abordage,
  • défaut d’assistance,
  • abandon du navire.

Ces événements font l’objet d’une enquête nautique (BEA Mer/enquête du Pavillon, ou de l’OMI par exemple) et d’une tenue d’un TMC.

Pour conclure, l’un des grands avantages de ce tribunal d’exception est qu’il donne la garantie d’être jugé par des connaisseurs, des professionnels, des marins qui connaissent parfaitement ce monde maritime qui ne ressemble en rien au fonctionnement sociétal à terre. Par exemple, une sanction disciplinaire peut être justifiée à bord d’un navire, et injustifiée à terre. Il juge les affaires purement nautiques et interne au bord.

La responsabilité civile du Capitaine :

  • Le statut juridique du Capitaine :

Il est le préposé de l’Armateur. C’est une situation assez complexe avec un certain nombre d’exceptions, notamment au niveau de la responsabilité. Par exemple, l’Armateur peut exonérer sa responsabilité propre en cas de faute nautique de son capitaine et bénéficier des “limitations de responsabilité” prévue par la loi (Loi du 18 juin 1961 et Convention de Bruxelles de 1924 dans lesquelles il est prévu que l’armateur ne répond pas des fautes nautiques du capitaine)

  • Le Capitaine a des attributions essentielles relatives à la conduite et la sécurité. Cependant, en dehors de sa fonction de représentant de l’État, mais en tant que préposé de l’Armateur, transporteur, et affréteur, il peut aussi se prévaloir des exonérations et limites de responsabilité que le transporteur peut invoquer (Convention de Bruxelles de 1924).

Il existe également des recours juridiques en cas de responsabilité civile contractuelle du capitaine, ou responsabilité civile délictuelle (vis-à-vis des tiers), qu’il convient évidemment d’approfondir, mais cet article sur les caractères juridiques de la fonction de Capitaine donne une idée assez large du rôle essentiel du chef de bord dans la conduite nautique et de sa responsabilité prépondérante dans chaque étape de ses missions.

La phrase “Seul maître à bord après Dieu” résume ainsi parfaitement le statut du chef de l’expédition, ses privilèges, ainsi que ses attributions disciplinaires et juridiques dans l’exercice de ses fonctions.

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