Frissons en haute mer : fantômes ou hallucinations ?

The Flying Dutchman par Charles Temple Dix

Les fantômes ne hantent pas seulement la terre, ils peuplent aussi les mers, à bord de bricks, de barques bretonnes ou de bateaux de course au large. Petite revue des légendes les plus célèbres.

Si les premiers vaisseaux fantômes apparaissent dès l’Antiquité, c’est à partir du XVIIIème siècle, lors de l’essor de la marine marchande, que les légendes se fixent dans l’imaginaire populaire.

La plus connue est celle du Hollandais Volant. D’après le Larousse, c’est « un navire imaginaire portant dans ses flancs tout un peuple, commandé par Satan en personne. »

Dans sa variante la plus commune, pour une offense à Dieu et une promesse au Diable, le capitaine s’est vu condamné à errer sans fin sur les mers.

La plupart des apparitions du vaisseau fantôme ont lieu aux alentours du Cap de Bonne Espérance. Le futur roi George V, qui a servi dans la marine britannique à bord du navire-école La Bacchante, l’aperçoit en juillet 1881. Le journal de bord rapporte : « Au milieu d’une lumière rouge, on distingua nettement les mâts, les vergues et les voiles d’un brick à environ 200 yards par bâbord avant. La nuit était claire et la mer calme. Les treize personnes de quart ne pouvaient nier l’avoir vu… ».

Il en est de même pour le Caleuche aux îles Chiloé au Chili, le Princess Augusta aux États-Unis ou le Yarmouth au Canada, navires disparus mais faisant régulièrement des apparitions en mer.

Aujourd’hui, l’hypothèse généralement avancée pour expliquer ce phénomène est celle d’un mirage froid, également appelé « mirage supérieur », résultant de la réfraction atmosphérique.

Des pirates déguisés en squelette

Ces légendes n’ont pas seulement peuplé l’imaginaire des marins mais ont aussi nourri l’inspiration des artistes.

Le musicien Richard Wagner crée en 1843 Der Fliegende Hollander d’après le texte du poète allemand Heinrich Heine. Cet opéra offre une relecture romantique de la légende du vaisseau fantôme, l’amour d’une femme réussissant à sauver l’âme du marin damné.

L’écrivain américain Edgar Poe s’empare également de la légende. Dans Les Aventures d’Arthur Gordon Pym, roman publié en 1838, les héros rencontrent un brick hollandais à la dérive, rempli de cadavres en putréfaction.

Quant à l’écrivain français Mac Orlan, il met en scène dans Les Clients du bon chien jaune (1926) des pirates qui utilisent le spectre du Hollandais Volant pour effrayer leurs victimes. Ils se déguisent en squelettes, allument des torches sur le pont tandis qu’un membre de l’équipage joue sur un orgue une marche funèbre…

Les barques des morts hantent la pointe du Raz

La Bretagne abrite également de nombreuses légendes macabres, colportées par les marins et les pêcheurs.

La pointe du Raz, un des lieux maritimes les plus dangereux au monde, a été propice au développement d’histoires terrifiantes. On raconte qu’il y plane les âmes des marins noyés, dont les sifflements implorent une sépulture, désespérés d’être sans fin ballotés par les vagues.

C’est entre la pointe du Van et la baie des Trépassés que fait escale le Bag Noz, un bateau de nuit transportant ces morts noyés vers des îles inconnues. Selon la légende, ce navire était commandé par le premier noyé de l’année.

Ces barques funestes étaient aussi menées par des femmes solitaires, veuves de marins, ayant le mauvais œil.

Dans La Légende de la mort (1902), l’écrivain breton Anatole Le Braz évoque ces figures inquiétantes, se rendant la nuit à des sabbats de mer avec leur panier à goémon.

Mais les marins redoutaient avant tout de croiser dans les parages le Bag Sorcerez, le bateau de la sorcière, car la seule évocation de la sinistre rencontre entraînerait le naufrage de leur navire et la mort de tout son équipage !

Ces croyances sont restées vivaces jusqu’au début du 20ème siècle.

Des hallucinations peuplées de fantômes

Mais même au XIXème siècle, il arrive encore que les marins croisent des fantômes à bord.

Sur le Vendée Globe, le navigateur Jean Le Cam croit voir sa sœur dans une voile et la serre dans ses bras.

Sur La Solitaire du Figaro, Roland Jourdain prend la boule lumineuse de son compas pour une tête de singe ensanglantée et Dominique Wavre pour les yeux d’un chat auquel il donne à manger.

Le 20 juin 2013, un cargo turc a récupéré un plaisancier nageant en plein golfe de Gascogne. Terrifié par des fantômes qu’il voyait dans ses voiles, il s’est jeté à l’eau.

Ces visions nocturnes ont une seule et même explication : le manque de sommeil qui finit par provoquer des hallucinations.

La plus célèbre d’entre elles a été vécue par Joshua Slocum, le navigateur ayant effectué le premier tour du monde en solitaire. Malade dans la tempête, il a très distinctement vu le pilote de La Pinta, l’une des caravelles de Christophe Colomb, prendre la barre de son bateau et le mener à bon port.

Ils eurent même, ensemble, une conversation !

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